top of page

« Fais un effort pour te souvenir. Ou, à défaut, invente. »

Monique Wittig, Les Guérillères, 1969

au commencement il y a l’enfance

un peu boueuse, un peu tachée

pleine de trous qu’il faut combler

alors les récits émergent

sous les mines de plomb 

sous les photogrammes

sous les orties 

et aux creux des paumes endolories

 

il y a des films, des histoires, des poèmes, des dessins, souvent des presques riens,

comme autant d’élans à raconter ce qui s’invente dans l'obscurité

on éteint la lumière

et les images plongent dans l’éternité 

et les histoires creusent les strates du temps, traversent l’intimité des cuisines, des salles à manger, des salons

et se déguisent de nos souvenirs poreux

 

au milieu il y a toujours la mort, l’absence et l’oubli qui rôdent

il y a les visages des disparu·es qui se nichent dans des silhouettes inconnues

il y a les souvenirs qui brûlent les yeux à l’arrivée des premiers lilas

il y a le lierre qu’il faut arracher sans cesse parce qu’il nous grignote toujours

 

à la fin il reste si peu de choses

même les mots parfois ne peuvent plus rien dire

il reste un peu de terre

et nos corps qui comblent enfin les trous

on étreint alors le vide

on fourre ses pieds dans l’herbe grasse

dans l’impatience du prochain printemps

du retour des mimosas

et des ombres roses qui calment l’achèvement des jours

Numériser_4_copie.jpg
bottom of page